samedi 9 mars 2013

LA RUMBA




Histoire de la rumba
( réf : juliensalsa.fr,  furius.ca, wikipédia et youtube.com, merci à ces sites pour leurs recherches et accès à la culture, pour toutes corrections où si vous souhaitez ajouter des informations : ameetdependanse@gmail.com)


Durant toute la traite négrière, les esclaves africains qui se retrouvent déracinés et parqués dans leurs "barracones" (baraquements) cherchent à perpétuer leurs chants rituels. Ceux-ci sont accompagnés de tambours qui, quand ils viennent à manquer ou qu'ils leur sont supprimés, sont remplacés par tout ce qui se trouve à portée de main : bord d'un meuble, caisse vide...


Ces mêmes rythmes et chants permettent également d’égayer les rares moments libres des journées harassantes de travail. Certains esquissent quelques pas d’une danse improvisée. Durant ces instants de détente, les influences des diverses ethnies africaines représentées se mélangent pour produire une musique profane purement cubaine. On note notamment une forte influence Congo (Yuka et Makuta), Abakuá et, selon Fernando Ortiz, Gangá. Ce processus a lieu localement, dans chaque plantation, bien que les esclaves ne communiquent pas ou très rarement entre eux.

Suite à la fin de la traite des Noirs et à l’abolition de l’esclavage à la toute fin du 19ème siècle, nombre d’africains affranchis quittent les ingenios (sucrières) et les champs de tabac pour se diriger vers les petites et grandes villes en quête d’un emploi. Malheureusement, leurs espoirs ne durent pas longtemps. Repoussés vers les quartiers les plus populaires ou vers des terrains bidonville, les anciens esclaves, toutes ethnies confondues, y côtoient les classes les plus misérables de la société blanche.

L'accès à l'emploi est très difficile. Pour occuper ces longues journées, on prend l'habitude de se réunir au cours de fêtes de Rumba ou rumbones dans les solares (cours intérieures des cuarterías, grands immeubles collectifs, où s'entassent les familles pauvres) de la Havane, de Matanzas et de quelques autres villes de la partie occidentale de l'île.

Solar de la havana vieja

 Selon le musicologue cubain Argeliers Léon Pérez, le mot "rumba" fait partie d'une famille de termes d'origine afro-américaine qui signifient "réunion/fête collective". Certains estiment que l'origine du mot est espagnole et dérive de "rumbo" qui signifie "en route" ou de "mujer de rumbo" qui désigne une fille aux mœurs légères. D'autres pensent que "rumba" dérive du mot "kumba" qui signifie "nombril" en langue Kikongo. Au cours de ces rumbones, les rythmes des barracones sont reproduits à l'aide de vieilles caisses de morue, de chevilles de bois (clavijas, origine du nom des claves) abandonnées par les charpentiers de marine et laissées sur les quais des ports, de caisses des voiles de navires... Chacun apporte son style, intègre ses éléments culturels, ajoute ses propres variations. La musique mais aussi les danses s'enrichissent dans ce processus de transculturation résultant du rapprochement entre les diverses ethnies africaines. Les rares blancs espagnols qui se mêlent à ces regrouprements musicaux apportent quelques éléments de leur culture, notamment issus du répertoire du Cante Jondo et du Flamenco pour le chant. Ils jouent une Rumba dite Rumba estribillo, forme "primale" articulée autour d'un estribillo (refrain).

Pour les rumberos, la musique représente un cri de libération et de protestation contre les conditions sociales qui leurs sont infligées : la lutte contre la condition d'esclave s'est transformée en combat contre la marginalisation.

Les percussionnistes améliorent leurs instruments en choisissant les éléments qui sonnent le mieux. Parfois, ils démontent des caisses en bois, du mobilier ou de mauvais instruments pour construire leurs propres instruments, des caisses en bois appelées cajón.

Cajón
Cajón

Les rumbones se font de plus en plus fréquents. Ils rassemblent la famille, les voisins, les amis... dans chaque quartier. Les textes de la Rumba parlent du quotidien : amour, amitié, trahison, difficultés quotidiennes, mort, événements particuliers... ou lancent un défi aux autres musiciens ou danseurs. Petit à petit, des musiciens se démarquent, que ce soit au cajón ou à la voix. Des groupes se constituent autour de directeurs musicaux. La musique se structure et à la fin du 19ème siècle, on peut distinguer, selon les lieux, plusieurs formes de Rumba comme la Columbia ou des Rumbas, souvent mimétiques, dites Rumbas del tiempo España (Rumbas du temps de l'Espagne) dont la Siguirya, la Jiribilla, la Resedá, le Palatino ou le Yambú. Grâce à la mobilité des travailleurs, ces formes de Rumba se diffusent jusqu'à la capitale au début du 20ème siècle. Se crée alors le Guaguancó. Pratiquement toutes ces variantes de Rumba ont aujourd'hui disparu et seuls subsistent le Guaguancó, la Columbia et le Yambú.

Dès la fin du 19ème siècle, divers acteurs de la Rumba, que l'on ne connaît aujourd'hui que par la tradition orale car ni la bourgeoisie cubaine, ni les compagnies discographiques américaines ne se sont hasardées jusqu'aux quartiers pauvres de la Havane ou de Matanzas pour les enregistrer, entrent dans la légende. On peut citer José 'Malanga' Rosario Oviedo (danseur), 'Papa' Montero, Estanislá 'la Rumbera mayor' Luna (chanteuse et danseurs) ou 'Cubela' (supposé créateur de la Columbia dans le village de Sabanilla).

Durant la première partie du 20ème, les coros de clave (ensembles vocaux similaires aux orphéons espagnols) puis les Coros de Guaguancó (évolution des coros de clave qui se spécialisent dans la Rumba) s'emparent de la Rumba. On peut citer Los capirotes, Los rápidos fiñes, La hoja de Guayaba, La tuya ou Los roncos de la Havane, El paso franco, Carraguao ou Los dichosos de sa banlieue puis plus tard La yaya à Sancti Spíritus et El bando rosado, El bando verde, El liro banco, El flamboyán ou Bando azul (formé en 1910) à Matanzas.

En 1906, le musicien et compositeur Ignacio Piñeiro devient membre du coro du nom de Timbre de Oro puis il dirige le coro appelé Los roncos. Au cours des années 1920, il fait sortir la Rumba des solares et l'intègre dans le répertoire de sextetos soneros.

Ignacio Piñeiro
Ignacio Piñeiro

Pendant les années 1920 et 1930, les coros tendent à disparaître au profit d'ensembles qui, sans être professionnels, assurent une prestation de qualité. Considérée comme vulgaire avec une danse à forte connotation sexuelle par la haute société, la Rumba est proscrite dans les lieux publics, cafés ou cabarets. Les groupes jouent donc de solares en solares. Il devient fréquent que des rumberos d'un quartier aillent défier ceux d'un autre quartier. Ces "envahisseurs" déclenchent souvent des tensions, des agressivités ou des bagarres.

Les percussions évoluent et les cajones disparaissent progressivement au profit des tumbadoras ou congas. Les claves remplacement définitivement les petites percussions souvent employées jusque là.
Peu à peu, les rumberos les plus talentueux, formés au contact des anciens dans les solares, parviennent à sortir de leurs quartiers. Quelques uns, comme Benito 'Roncona' González, obtiennent la possibilité de jouer sur les ondes et d'autres, tel qu'Agustín Gutiérrez issu du coro appelé Paso franco, sont engagés par des formations.

Augustin Gutiérrez


À partir de la moitié des années 1930, la radio C.M.C.Q programme l'émission La hora sensemaya, animée par Manuel Cuéllar Vizcaíno et Julito Vázquez, qui propose un espace d'expression pour les Noirs et offre à la Rumba un temps de diffusion.

À la fin des année 1930, Luciano 'Chano' Pozo González se fait remarquer comme conguero virtuose. Rapidement, il anime coros et comparsas dont Parampampín ou Los Dandys de Belén. 'Chano' Pozo est rapidement recruté par les grands cabarets, notamment en 1940 par le Tropicana pour sa revue Congo pantera. Cependant, la pénétration dans les shows des cabarets d’une Rumba exotico-érotique, dansée par des danseuses blanches, dénudées et sans connaissance aucune des racines du genre ne favorise pas la situation de la Rumba.

'Chano' Pozo
'Chano' Pozo

Comme lui, de nombreux percussionnistes, presque tous issus de la Havane et de Matanzas, vont grâce à leur virtuosité intégrer dans les années 1940 les formations musicales dansantes. Cependant, certains profiteront du Jazz Afrocubain en plein développement à New-York pour gagner les États-Unis et y triompher. Ainsi, Francisco Raúl Aguabella Pérez, Ramón 'Mongo' Santamaría, Candido Camero, Armando Peraza ou Carlos 'Patato' Valdés quittent l'île dans les années 1950.







Francisco Raùl Aguabella Pérez









 Ramòn Mongo Santamaria









Candido camero





Armando Peraza










 Carlos Patato Valdes


Cuba qui possède un énorme creuset de musiciens peut compter sur ceux qui restent, la famille 'Aspirina', 'Mañungo', Manuela Alonso, Enrique Dreke, Alberto Zayas, Trinidad Torregrosa, Jesús 'Obanilú' Pérez Pérez ou Gonzalo 'Tío Tom' Asencio Hernández.

LA FAMILIA ASPIRINA :

 Ricardo Jauregui

 Windo Jauregui

 Luis Chacon Mendivel

 Mario Jauregui

 Miguel Angel Mesa Cruz

LOS ASPIRINAS



Au cours des années 1940, le conjunto Clave y Guaguancó se structure sur le modèle des coros du début du siècle. Ils interprètent l'ensemble du répertoire de la Rumba en cherchant à en préserver la tradition originelle.
Dans les années 1950, Ricardo 'Papin' Abreu créé la formation Papin y sus rumberos à la Havane. En 1952, Hortensio 'Virulilla' Alfonso, Estebán 'Saldiguera' Lantrí et Florencio 'Catalino' Calle fondent le Grupo de Guaguancó marancero qui prendra en 1956 le nom de Los muñequitos de Matanzas suite au succès de leur morceau intitulé Los muñequitos. En 1957, le groupe AfroCuba de Matanzas, plus orienté vers la scène, voit également le jour.














Conjunto Clave y Guaguanco

 Los meñequitos de Matanzas









 Afrocuba de Matanzas

La révolution permet l'émergence et la professionnalisation de groupes issus des quartiers pauvres. Entre 1959 et 1962, le gouvernement cubain affiche une grande volonté de soutenir la Rumba. En 1961, Calixto Callava, employé comme docker, forme le Grupo marítimo portuario zona 5 dans les quartiers de la Havane. Papin y sus rumberos devient Los Papines en 1962. La même année, la création du Conjunto Folklórico Nacional autour d'authentiques rumberos comme Gregorio 'El Goyo' Hernández, Mario 'Aspirina' Jauregui Francis ou Juan de Dios 'El Colo' Ramos Morejón a permis de préserver l'authenticité d'une Rumba parfois déformée et menacée par son propre succès comme spectacle. En 1986, le Grupo marítimo portuario zona 5 se ré-organise et prend le nom de Yoruba Andabo pour produire une Rumba dans la plus pure tradition.

 Los Papines

 Mercedita Valdes y Yoruba Andabo

(impossible de trouver une photo contenant les 56 membres fondateurs et les "formantes" du CFNC donc le plus simple est de mettre un liens contenant une photo de la majorité d'entre eux)

Aujourd'hui, la Rumba est encore pratiquée dans les régions de La Havane et Matanzas essentiellement. Le retour aux racines noires lui a apporté de nombreux jeunes adeptes. Elle irrige également avec force la musique cuabaine, notamment la Timba ou ce que l'on appelle globalement la Salsa. Il n'est pas rare de trouver un rythme voir même un passage de Rumba dans un morceau actuel ("Los Sitios Entero" de NG la Banda, "Pal bailador" d'Isaac Delgado, "Mi Magdalena" d'El all stars de la Rumba).




Paroles de plus de 400 rumba
(les albums sont classés sur le droite de la page et vous pourrez choisir le chant dont vous souhaitez les paroles)

L'instrumentation

Au départ, il n'existait pas de format instrumental fixe pour jouer la Rumba. Les danses et la possession de tambours, symbole de regroupement et de possible rébellion, ayant été interdits aux esclaves par les colons espagnols du 17ème à la fin du 18ème siècle, les chants étaient accompagnés de tout type d'objet de la vie quotidienne : bord d'un meuble, tiroir renversé, cageot de morue, caisse contenant les voiles des navires, porte, chaise, tabouret, boîte de cigares, cuillère, bouteille...

Au fil du temps, les musiciens sont parvenus à recréer des substituts de tambours appelés les cajones (caisses en bois). Ils se déclinent en 3 tailles (grave, médium et aigu), chacun étant joué à main nue par un percussioniste. Il est alors fréquent que le rythme appelé catá, complémentaire de la clave, soit joué par un 4ème musicien avec des baguettes sur le bord du cajón le plus large donc le plus grave.

Claves

 Suite à l'apparition des coros de Guaguancó, grupos de Guaguancó ou agrupaciones de Guaguancó au début du 20ème siècle, le format instrumental se standardise peu à peu. Ce format inclue des instruments percussifs comme les claves, les cajones, la guagua ou les chekerés mais aussi des instruments mélodiques comme la guitare ou la botija ou botijuela (instrument fabriqué en terre cuite et possédant un orifice par lequel il faut souffler pour produire un son grave proche de celui d'une contrebasse).






La guagua
 Chekeres





 Botija



À partir des années 1950, et notamment avec leur titre Los muñequitos gravé en 1952, la formation Los muñequitos de Matanzas modifie cette formation en remplaçant les 3 cajones par 3 tumbadoras qui ont les mêmes registres sonores et les mêmes fonctions rythmiques. La popularité du groupe entraîne une généralisation de ce format plus moderne.

Las Tumbadoras


À la fin des années 1980, les ensembles Yoruba Andabo et Clave y Guaguancó introduisent les tambours batás pour compléter une combinaison de tumbadoras et cajones.
De nos jours, une formation de Rumba est donc presque toujours composée :
  • d'une paire de claves qui donne le rythme à l'ensemble des musiciens ;
  • d'une guagua ou cajita china, morceau de bambou frappé avec des palitos (baguettes), qui complète le rythme de la claves. Le rythme qui est joué est souvent appelé catá ;
  • de tumbadoras, maintenant appelés congas, le plus souvent au nombre de 3. Du plus grave au plus aigu, ils portent les noms de tumbadora, tumba ou salidor (base rythmique), repicador ou segundo (répond au rythme du tumbadora) et quinto (qui improvise) ;
  • éventuellement de cajones qui, de nos jours, ne sont plus utilisés qu'en complément des tumbadoras. Ils portent, en fonction de leur taille, les mêmes noms que les tumbadoras ;
  • parfois de tambours batás qui portent une fonction mélodique ;
  • de chekerés qui marquent les temps forts de la musique ;
  • d'un chanteur soliste accompagné d'un cœur.